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LE PROCÈS DU SIONISME ISRAÉLIEN

par Roger Garaudy

 

1) - Epuration ethnique: expulsion et oppression des Palestiniens

D'abord cette prétention à l'unicité sert à justifier la conquête de l'espace vital et l'expulsion des autochtones en les enrobant dans un mythe: celui du départ volontaire des Palestiniens, alors que l'ouverture des archives a permis aux nouveaux historiens, comme Benny Morris, de rétablir la réalité historique: les ordres donnés aux militaires israéliens de chasser par la force des armes les habitants millénaires des villages avec des méthodes qui rappellent souvent, à Deir Yassin par exemple, celle des "troupes d'assaut des nazis massacrant les populations civiles."

- Un premier mythe s'effondrait ainsi: celui du départ volontaire des Palestiniens. Et ceci alors que Ben Gourion était le chef de l'Etat. Lorsque Benny Morris l'appelle "le grand expulseur" ce n'est pas une diffamation comme disent mes accusateurs, mais une définition.

- Un deuxième mythe sioniste s'effondre aussi: celui "d'une terre sans peuple pour un peuple sans terre", lancé par Zangwill, et que Mme Golda Meir agrémentait dans une déclaration au Sunday Times le 15 juin 1969: "Il n'y a pas de peuple palestinien... Ce n'est pas comme si nous venions les mettre à la porte et leur prendre leur pays. Ils n'existent pas."

"Pour convaincre qu'avant Israël la Palestine était un "désert" des centaines de villages ont été rasés au bulldozer avec leurs maisons, leurs clôtures, leurs cimetières et leurs tombes." écrivait déjà le professeur Shahak en 1975. (Le racisme de l'Etat d'Israël. p. 152.)

Depuis l'ouverture des archives, l'historien Benny Morris a pu préciser que 418 villages palestiniens sur 475 ont été effacés de la carte. Quant au nombre de Palestiniens expulsés, le Comité israélien de transfert parlait de 460.000 à la fin de 1948. A la même période l'Office des Secours et travaux des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) avançait le chiffre de 900.000.

En ce qui concerne les chrétiens palestiniens, le Patriarche latin de Jérusalem, évoquant l'exode des catholiques, rappelle qu'ils ne sont plus que 10.000 contre plus de 50.000 avant 1948.

Mme Golda Meir se réclamant d'une légitimation fondée sur une lecture intégriste de la Bible déclare:

"Ce pays existe comme accomplissement d'une promesse faite par Dieu lui-même. Il serait ridicule de lui demander des comptes sur sa légitimité." (Le Monde du 15 octobre 1971)

Mais la même Golda Meir déclarait, lors du procès Shalitt, officier de marine israélien ayant épousé une Irlandaise non juive et qui protestait, parce qu'on lui refusait d'attribuer à son fils la qualification de juif: "Je ne suis pas une personne religieuse."

Encore une qui prétendait avoir reçu sa terre d'un Dieu auquel elle ne croyait pas. J'appelle cela un parjure et une imposture: ce n'est pas une diffamation, c'est une définition.

- Un troisième exemple (il y en aurait bien d'autres mais je m'en tiens aux plus célèbres), celui du général Moshe Dayan qui écrivait dans Jérusalem Post du 16 août 1987: "Si l'on possède la Bible, si l'on se considère comme le peuple de la Bible, on devrait posséder toutes les terres bibliques."

Il s'illustra pendant la Guerre des six jours où il révéla ses véritables motivations qui n'ont rien de religieux: dans une lettre de lui, authentifiée par sa propre fille aujourd'hui députée à la Knesset, il exprime les vraies raisons de l'invasion du Golan, il écrivait à son ami, le journaliste Rami Tal, en 1976:

"80 % - sans doute plus mais disons 80 % - des incidents armés (sur la ligne de démarcation entre Israël et la Syrie) ont commencé comme cela", explique Moshe Dayan. "On envoyait un tracteur labourer un terrain sans intérêt en zone démilitarisée et l'on savait que les soldats syriens tiraient dessus. S'ils ne le faisaient pas, on ordonnait au tracteur d'aller plus avant jusqu'à ce qu'ils s'énervent et ouvrent le feu. Alors, on utilisait les canons et puis l'aviation. C'est comme cela que cela se passait."

Une délégation de kiboutznikim, envoyée par le général David Eleazar qui était à l'époque commandant de la région Nord et qui voyait la guerre passer à côté de lui sans y participer, s'était rendue chez Levi Eshkol (premier ministre) Ils ont fait un grand show et ils l'ont convaincu de passer à l'action." (Le Monde 2 juin 1997).

C'était donc superflu? demande Rami Tal "Bien sûr que çà l'était". Tout ce que voulaient les kiboutznikim, ce n'était que la terre? interroge le journaliste. "Je peux vous dire avec une totale certitude que la délégation qui est allée convaincre Levy Eshkol de capturer le plateau ne pensait pas à cela. Ils pensaient à la terre." [...] Mais je leur ai parlé, ils n'essayaient même pas de dissimuler leur convoitise pour cette terre. C'est cela qui les motiva [...] Et moi, cette fois-là, je n'ai pas fait mon devoir de ministre de la défense, j'étais convaincu qu'il ne fallait pas faire cela mais je ne l'ai pas stoppé." (Le Monde, 2 juin 1997)

Les Mémoires de M. Abba Eban, ancien ministre des Affaires étrangères d'Israël, nous apprennent le rôle que joua la simple morale dans sa politique d'expansion, cette fois au Liban.

Dans son journal Moshe Sharett, le 16 juin 1955, dit que, pour Moshe Dayan "Tout ce qu'il nous reste à trouver c'est un officier, même un simple capitaine. Il faudrait le gagner à notre cause, ou l'acheter, pour qu'il accepte de se déclarer le sauveur de la population maronite. Alors, l'armée israélienne entrerait au Liban occuperait les territoires où nécessaire, établirait un régime chrétien allié à Israël, et tout marcherait comme sur des roulettes. Le territoire du sud du Liban sera totalement annexé à Israël."

Moshé Sharett confirme, le 28 juin 1955: "Le chef d'Etat-Major approuve l'idée d'acheter un officier (libanais) qui accepterait de nous servir de marionnette de manière à ce que l'armée israélienne puisse apparaître comme répondant à un appel pour libérer le Liban de ses oppresseurs musulmans."

Lorsque j'appelle ce monsieur, à la lumière de ces deux opérations, parfaitement authentifiées, un politicien provocateur, dans le premier cas, et corrupteur dans le second, ce n'est pas une diffamation, c'est une définition.

Je m'en tiendrai, pour le moment, à ces trois exemples et ceci n'a rien à voir avec la diffamation ni du peuple israélien ni de la foi juive: il s'agit simplement de démasquer la duplicité de ses dirigeants sionistes. Lorsque je dénonce les talibans je le répète ce n'est ni une diffamation du peuple afghan qui en est la victime, ni une diffamation de l'Islam qu'ils déshonorent.

Cette prétention hypocrite à une investiture divine commande, de ses origines à nos jours, toute la politique des dirigeants sionistes israéliens.

Nous n'en donnerons que quelques exemples particulièrement criminels.

D'abord, en ce qui concerne la Palestine. Le plan était clair: si cette terre est promise à certains, c'est un droit et même un devoir d'en chasser tous les autres.

C'est exactement le langage des nazis, celui de Heydrich par exemple:

"le but de la politique juive: l'émigration de tous les juifs", avec la même justification de peuple élu: la race aryenne destinée à dominer Le Monde pour lui inculquer ses vertus.

Le problème a été posé très clairement, avant même l'existence de l'Etat d'Israël. Le directeur du Fonds national juif, Yossef Weitz, écrivait dès 1940 dans son journal (Tel Aviv 1965):

"Il doit être clair pour nous qu'il n'y a pas de place pour deux peuples dans ce pays. Si les Arabes le quittent, il nous suffira [...] Il n'existe pas d'autre moyen que de les déplacer tous; il ne faut pas laisser un seul village, une seule tribu... Il faut expliquer à Roosevelt, et à tous les chefs d'Etats amis, que la terre d'Israël n'est pas trop petite si tous les Arabes s'en vont, et si les frontières sont un peu repoussées vers le nord, le long du Litani, et vers l'est, sur les hauteurs du Golan."

Dans le grand journal israélien Yediot Aharonot, du 14 juillet 1972, Yoram Bar Porath, rappelait avec force l'objectif à atteindre:

"C'est le devoir des dirigeants israéliens d'expliquer clairement et courageusement à l'opinion un certain nombre de faits, que le temps fait oublier. Le premier de ceux-ci, c'est le fait qu'il n'y a pas de sionisme, de colonisation, d'Etat juif, sans l'éviction des Arabes et l'expropriation de leurs terres."

Le principe de base est formulé par le rabbin Cohen dans son livre: Le Talmud (Ed. Payot. 1986. p. 104)

"Les habitants du monde peuvent être répartis entre Israël et les autres nations prises en bloc. Israël est le peuple élu: dogme capital."

De là découle la nécessité sinon d'une extermination (dont celles de Josué sont la parabole), du moins d'une expulsion de la terre promise au peuple élu, de tout ce qui n'est pas juif.

Sur ce point encore ce n'était pas seulement l'opinion, d'un journaliste, c'était la doctrine officielle.

Weitz ajoutait: "La terre d'Israël sans les Arabes, car il ne peut y avoir de compromis... Les Arabes doivent être chassés vers la Transjordanie, la Syrie ou l'Iraq."

En 1967, le président de la Knesset, Meir Cohen, déclarait qu'"Israël avait commis une grave faute en n'expulsant pas 200000 ou 300000 Arabes de la "West Bank"."

Tel est le programme constant du sionisme: l'épuration ethnique fondée, une fois de plus, sur une lecture intégriste, littéraliste, de la Bible, qui créerait ce dualisme irrémédiable, cette éternelle opposition entre le peuple élu et tous les autres hommes.

"Le sentiment traditionnel du sionisme est que tous les non-juifs sont antisémites, que, selon les propres paroles de Herzl, Le Monde peut être divisé entre ceux qui sont ouvertement antisémites et ceux qui le sont de manière couverte... L'hostilité générale des non juifs est considérée par les sionistes comme un fait inaltérable et éternel de l'histoire juive... Cette attitude, conclut Hannah Arendt, est pur racisme chauvin et il est évident que cette division entre les juifs et tous les autres peuples tenus pour ennemis ne diffère pas des autres théories de la race des seigneurs." (Hannah Arendt, "Sauver la patrie juive", dans la revue Commentaire de mai 1948, p. 401)

Nous sommes au coeur de mon procès actuel qui relève de cet état d'esprit des sionistes. C'est pourquoi lorsque je dis de la politique sioniste: "épuration ethnique" "racisme chauvin", ce n'est pas une diffamation, c'est une définition.

Mais le postulat de nos accusateurs était que toute critique du sionisme ou de la politique israélienne est une forme déguisée d'antisémitisme. et même de néo-nazisme. Lorsque Mme Hannah Arendt publia son livre: Eichman à Jérusalem, un hebdomadaire français titrait: (Le Nouvel Observateur) Hannah Arendt, est-elle Nazie? essayant de résumer la campagne odieuse menée contre elle.

Tout comme on m'accusait de virer au rouge-brun à l'âge du gâtisme, oubliant que mes premières critiques du sionisme, jugées licites par la Cour de Cassation, en 1982 furent suivies par L'affaire Israël en 1983, et Palestine terre des messages divins en 1988, et que cette critique faisait déjà partie de ma lutte permanente contre l'antisémitisme et l'intégrisme, sous toutes ses formes (sioniste, chrétienne, communiste, ou musulmane) lorsqu'en 1970, je proclamais (au Congrès du Parti Communiste français): "L'Union Soviétique, n'est pas un pays socialiste."

Que j'écrivais:

"Le Christ de Paul n'est pas Jésus." dans Vers une guerre de religions en 1995.

"L'Islamisme est une maladie de l'Islam" dans Grandeur et décadences de l'Islam en 1996.

C'était là le prolongement de toute ma lutte pour le dialogue des civilisations et, comme je l'écrivais, lors du Concile de Vatican II, pour le passage De l'anathème au dialogue, en 1965.

Tout cela souleva de vives polémiques, enrichissantes pour moi (et je l'espère, pour mes interlocuteurs) mais lorsque je critiquais Les mythes fondateurs de la politique israélienne, il ne fut plus question de réfutation de mon livre: l'on appela la police et la justice l'on orchestra un lynchage médiatique, et l'on m'envoya des menaces de mort.

Nous avons des expressions récentes de cette haine des autres peuples et de leur culture dans leur totalité. Un exemple caractéristique est celui du livre de Jonathan Goldhagen, traduit en français, sous le titre: Les bourreaux volontaires d'Hitler, dont la thèse centrale est que le peuple allemand, dans sa totalité, est participant responsable des horreurs nazies.

La presse sous influence sioniste a fait de ce livre un best-seller mondial, comme s'il donnait c'est ce que prétend l'auteur une explication du massacre des juifs. Cette explication se résume en ceci: les Allemands ont tué parce qu'ils sont - de tout temps un peuple de tueurs. Les médecins de Molière affectionnaient ce genre d'explication: l'opium fait dormir parce qu'il porte en lui une vertu dormitive.

Cette débilité historique est d'autant plus étrange que l'ascension au pouvoir d'Hitler par l'obtention d'une majorité électorale montre combien sa démagogie sanglante avait pénétré l'opinion. Elle était essentiellement due à la situation désespérée créée à l'Allemagne par le Traité de Versailles. Le célèbre économiste lord Keynes écrivait dans son livre: Les conséquences économiques de la paix: "si nous cherchons délibérément à appauvrir l'Europe Centrale, j'ose prédire que la vengeance sera terrible: d'ici vingt ans nous aurons une guerre qui, quel que soit le vainqueur, détruira la civilisation".

Keynes écrivait ceci en 1919. J'ai donné dans mon livre (p. 93) les statistiques de la montée parallèle du chômage en Allemagne et de celle du Parti nazi aux élections.

Malheureusement cet exemple n'est pas isolé: nous avons un Goldhagen français. Dans un livre publié en 1981, L'idéologie française, l'auteur, Bernard Henri Lévy, explique que de Voltaire et de la Révolution française, à Péguy et la tradition chrétienne, et même au grand analyste juif de l'antisémitisme Bernard Lazare (qui a dans un beau livre, commis le crime de situer l'antisémitisme dans la perspective de l'histoire universelle) toute notre culture a préparé un fascisme à la française: Vichy.

"C'est, écrit-il, toute la culture française qui témoigne de notre ancienneté dans l'abjection." (p. 6), et qui fait de la France "la patrie du national socialisme." (p. 125)

"Cette France, écrit-il encore, je sais son visage d'ordure, la ménagerie de monstres qui y habitent." (p. 293)

Lorsque je dis que l'auteur d'un tel ouvrage, comme Goldhagen, présente le syndrome sioniste du Bréviaire de la haine, ce n'est pas une diffamation, c'est une définition.

Si toute critique de la politique israélienne, comme le précise le titre de mon livre, est de l'antisémitisme, alors l'ancêtre de l'antisémitisme c'est le Prophète Michée s'écriant:

"Ecoutez donc ceci, chefs de la maison de Jacob,

magistrats de la maison d'Israël,

qui avez le droit en horreur

et rendez tortueuse toute droiture,

en bâtissant Sion dans le sang

et Jérusalem dans le crime.

Et c'est sur le Seigneur qu'ils s'appuient en disant:

"Le Seigneur n'est-il pas au milieu de nous?

Non, le malheur ne viendra pas sur nous."

C'est pourquoi, à cause de vous,

Sion sera labourée comme un

champ,

Jérusalem deviendra un monceau de

décombres

et la montagne du Temple, une

hauteur broussailleuse."

(Michée IV, 9-12)

Lorsqu'en 1996, le gouvernement israélien ouvre une route 66 en la déclarant interdite aux non-juifs et que j'appelle cela "apartheid", ce n'est pas une diffamation, c'est une définition.

Une définition que M. Alain Finkelkraut, dans Le Monde du 18 décembre 1996, sous le titre: "Israël la catastrophe" flétrissait plus durement encore que moi. Il écrit:

"Avec Netanyahou... le langage de l'apartheid sort de la clandestinité." Il ajoutait: "Pour le dire plus crûment il y a des fascistes juifs en Israël, mais aussi en Amérique et en France... voilà pourquoi on est fondé à parler de "catastrophe spirituelle"". Il conclut: "La solidarité avec Israël changerait de nature si elle acceptait, sans coup férir, que le dernier mot revienne aux cow-boys à mitraillette et à kipa."

Le mythe de l'unicité n'a pas seulement pour conséquence de rendre l'histoire intelligible en créant une métahistoire qui serait la lutte éternelle du Bien contre le Mal, du Bon Dieu contre le Diable, ce que les sionistes appellent le peuple juif ou même, dans le langage hitlérien de la race, la race juive, représentant le Bon Dieu et le reste du monde le Diable, selon les Goldhagen ou les Bernard Henri Levy.

A ce compte serait anti-sémite, le rabbin Levyne lorsque dans son livre Judaïsme contre Sionisme (Ed. Cujas 1969, p. 74), prévoyant que les exactions d'Israël déchaîneront l'anti-sémitisme, il écrit: "Les sionistes nous amènent à la catastrophe." Anti-sémite M. Théo Klein, ancien président du CRIF (Conseil représentatif des israélites de France) lorsqu'il écrit dans Le Monde du samedi 30 mai 1998, sous le titre: "M. Natanyahou, Laissez une chance à Israël":

"D'erreurs en démentis, vous auriez confondu l'art de la politique avec le théâtre d'ombres. En politique intérieure vous auriez encouragé la marche des orthodoxes vers le rêve d'un Etat théocratique. En politique extérieure, brisé l'élan du processus d'Oslo. Est-ce bien par un débat entre sénateurs républicains et président démocrate que vous pensez résoudre le problème majeur d'Israël: sa coexistence avec ses voisins arabes et, au premier chef, avec les Palestiniens? Ces derniers sont pourquoi ne pas le reconnaître? - les copropriétaires de cette terre d'Eretz Israël-Palestine, votre terre, ma terre, mais aussi celle d'Arafat et de Ziad Kawas, mon ami.

Le Monde aspire à une politique qui conduise le peuple israélien vers une sécurité fondée sur la paix, c'est-à-dire sur le dialogue et la coexistence. Or votre politique s'enferme dans une perspective sécuritaire nourrie de peurs. Vous jouez sur nos vieux réflexes de ghetto, résumés dans ce slogan mortel: Tous sont contre nous. Tous: les chrétiens, les musulmans, tous ceux qui, à travers Le Monde, s'étonnent et pour beaucoup s'indignent de votre politique.

Arrêtez cette chute vers les vertiges d'un rêve fou d'une terre où seul le Juif serait citoyen et l'Arabe un simple résident autonomisé. Quittez les sénateurs des rives du Potomac. Abandonnez les illusions messianiques. Remontez vers les monts de Judée et l'abondante Galilée. Elle est le berceau commun de nos deux peuples, Isaac et Ismaël y sont nés, tous deux. Nous devons la partager sans jamais, pour autant, renoncer à la considérer dans toutes ses parties, comme la terre qui féconde l'histoire, la culture et la vie de nos deux peuples. Son extraordinaire appel spirituel doit nous encourager à une cohabitation pacifique, au-delà des deux souverainetés reconnues. Il faudrait inventer un pacte de respect mutuel, une alliance pour le développement sur cette terre commune, construire une existence où chacun, chez l'autre, serait aussi un peu chez soi.

Je sais bien, il y a le terrorisme lâche et criminel. Il y a les cris de haine, les drapeaux brûlés, les clauses non respectées des accords conclus, les faits accomplis au-delà du statu quo. Mais qui est responsable, serait-ce seulement l'Autorité palestinienne?

Si, pour vous, gouverner ce vieux nouveau pays c'est ressasser de vieux arguments mêlés de craintes obsessionnelles et méprisantes sans jamais élever votre pensée politique au-dessus des querelles de votre majorité,: si vous ne pouvez même pas écouter les informations et les conseils de vos services de sécurité, décidément, vous ne voulez pas changer de politique, alors il vaudrait mieux que vous renonciez à porter un fardeau sous lequel votre intelligence politique et votre courage moral paraissent succomber."

Théo Klein est avocat, ancien président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF)

Pour parler ce noble et lucide langage, actualisant celui du prophète Michée, M. Théo Klein, ancien président du CRIF, serait-il devenu antisémite?

Dans cette voie, même si on ne partage pas les mêmes convictions religieuses ou politiques, le dialogue et la paix deviennent possibles.

Sinon, lorsqu'on se croit unique, éternellement purs de toute responsabilité, les pires aberrations deviennent possibles.

Nous sommes ici au centre de ce procès et de ce qui lui donne sa signification la plus profonde: la confusion, ou l'imposture, qui consiste à confondre sionisme et judaïsme, en mélangeant sous le nom de sionisme, le sionisme religieux et le sionisme politique, comme le fait, par exemple, le rabbin Eisenberg lorsqu'il déclare: "Une critique du sionisme implique le glissement vers l'antisémitisme... car il n'y a pas de judaïsme concevable sans sionisme."

Le judaïsme commencerait-il donc avec le Congrès de Bâle?

Non! L'écrivain Haim Herzog, dans sa nouvelle Le semeur, fait dire à son personnage Yundker: "le sionisme commence avec le naufrage du Judaïsme."

Lorsqu'on prétend établir une continuité historique entre l'Israël biblique et l'actuel Etat d'Israël, on évoque souvent la prière juive millénaire: "L'an prochain à Jérusalem", comme si elle signifiait un appel à la conquête.

C'est oublier que "L'an prochain à Jérusalem" était aussi le voeu de millions de chrétiens au Moyen Age comme en témoigne, sur de nombreux vitraux de nos cathédrales, l'image d'une Jérusalem de pierre qui symbolisait pour eux la "Jérusalem céleste", ce Royaume de Dieu où l'on entre non par la conquête mais par le renoncement.

Sur l'imposture de cette confusion repose déjà cet ancêtre du sionisme politique que furent les Croisades: les chevaliers porteurs de la Croix sur leurs armures se livrèrent, sur toutes les routes de l'Europe, à des pogroms sanglants dans les communautés juives, puis massacrèrent les chrétiens de Constantinople, avant de brûler vifs à Jérusalem les juifs réfugiés dans leur Synagogue, et faire ruisseler dans les rues le sang des musulmans.

Où est, en tout ceci, la présence de Jésus, alors que la délivrance de son tombeau, que l'on savait vide, avait servi de prétexte à ces tueurs de juifs, de chrétiens et de musulmans?

C'est un prétexte idéologique et une imposture du même ordre: que nous retrouvons lorsque l'athée Ben Gourion annonce "Nous allons restaurer le troisième Royaume de David." en attaquant Jérusalem au napalm comme David et les Croisés s'en étaient emparés par l'épée et le feu et en ouvrant la voie à l'idolâtrie sioniste remplaçant le Dieu d'Israël par l'Etat d'Israël. Comme l'écrit le professeur Israël Shahak: "la majorité de mon peuple a perdu son Dieu et lui a substitué une idole, exactement comme ils adorèrent le Veau d'or dans le désert. Le nom de leur idole moderne est l'Etat d'Israël." (Le racisme de l'Etat d'Israël. p. 93)

Où est, en tout cela Michée prophétisant:

"Martelant leurs épées, ils en feront

des socs de charme,

et de leurs lances ils feront des

serpes.

On ne brandira plus l'épée, nation

contre nation,

Nos fils n'apprendront plus la guerre.

Ils demeureront chacun sous sa vigne

et son figuier,

et personne pour les troubler.

Car la bouche du Seigneur, le tout

puissant, a parlé." (Michee IV, 3-4)


2) -- Collaboration des sionistes avec Hitler

Jamais cette hérésie ne s'est manifestée avec plus de force que pendant la dernière guerre mondiale où l'objectif unique de construire un Etat d'Israël puissant, a conduit les dirigeants sionistes à la coopération avec les nazis. Certains dirigeants sionistes accueillirent fort bien l'arrivée d'Hitler au pouvoir, puisqu'ils partageaient sa croyance dans la primauté de la race et son hostilité à l'assimilation des juifs. Ils se réjouirent avec Hitler de son triomphe sur l'ennemi commun: les forces du libéralisme. Le Dr et rabbin sioniste Joachim Prinz, avant d'émigrer aux Etats-Unis où il s'éleva au poste de vice-président du Congrès juif mondial et devint une lumière de l'Organisation sioniste mondiale (ainsi qu'un grand ami de Golda Meir) avait publié en 1934, à Berlin, un livre de circonstance Wir Juden (Nous les juifs) (p. 150-151) pour célébrer la Révolution allemande hitlérienne et la défaite du libéralisme:

"La signification de la Révolution allemande pour la nation allemande est ou sera peut-être claire pour ceux qui l'ont créée et ont formé son image. Son sens pour nous, il faut le dire tout de suite, est que le libéralisme a perdu toutes ses chances. La seule forme de vie politique qui favorisait l'assimilation des juifs n'est plus." "Nous voulons que l'assimilation soit remplacée par une nouvelle loi: la déclaration d'appartenance à la nation juive et à la race juive. Un Etat fondé sur le principe de la nation et de la race ne peut qu'être honoré et respecté par le juif qui déclare son appartenance à son propre peuple... Car seul celui qui honore ses origines et son propre sang peut respecter et honorer la volonté nationale des autres nations." (Ibidem p. 154 155).

Il espérait ainsi que le mythe de la race aryenne facilite une floraison du mythe sioniste de la race juive.

Dans le même esprit le mémorandum que les dirigeants sionistes pour l'Allemagne adressèrent à Hitler le 22 juin 1933, précisait:

"Le sionisme croit que la renaissance de la vie nationale d'un peuple, qui s'opère aujourd'hui en Allemagne à travers la valorisation de ses dimensions chrétienne et nationale doit aussi se produire chez le peuple juif. Pour le peuple juif aussi, l'origine nationale, la religion, un destin commun et le sens de son caractère exceptionnel doivent revêtir une importance primordiale pour son existence. Cela ne se fera qu'en supprimant l'individualisme égoïste de l'ère libérale et en le remplaçant par le sens de la communauté et de la responsabilité collective..."

Le mémorandum ajoutait:

"Au cas où les allemands accepteraient cette collaboration les sionistes s'efforceraient de détourner les juifs à l'étranger, d'appeler au boycott anti-allemand." (Lucy Davidowicz: The War against the Jews Ed. Penguin books, 1977. p. 231-232).

Les dirigeants hitlériens acceptent: le principal théoricien du national-socialisme, Alfred Rosenberg écrira en 1937:

"Le sionisme doit être vigoureusement soutenu afin qu'un contingent annuel de juifs allemands soit transporté en Palestine." (Der Spur des Juden im Wandel der Zeiten, Munich 1937. p. 153.)

C'est sur cette idéologie de la race, qui leur était commune avec les nazis, que les dirigeants sionistes allemands entreprirent de négocier avec les hitlériens.

A l'arrivée d'Hitler au pouvoir, sur 100 juifs allemands organisés 5 % appartenaient à la centrale sioniste et 95 % à l'Association des Allemands de religion juive qui entendaient rester allemands en luttant pour le respect de leur religion.

Les nazis firent aisément leur choix: ils traitèrent avec les sionistes qui étaient pour eux des juifs convenables qui préconisaient le départ en Palestine, favorisant ainsi la politique de purification ethnique du fascisme hitlérien: vider l'Allemagne de ses juifs (Judenrein).

Et il s'acharna sur les juifs qui entendaient rester allemands dans le respect de leur religion.

a) - L'accord de transfert (Haavara)

En raison de cette communauté de doctrine sur la race qui vérifiait si bien la thèse de Herzl: "Les antisémites seront nos meilleurs alliés" (Diaries I, p. 19), l'Agence juive conclut avec le ministre de l'Economie, le 27 août 1933, l'accord de Haavara (en hébreu: transfert) qui autorisait les émigrants juifs à transférer une partie de leurs avoirs d'Allemagne nazie en Palestine. Ben Gourion qui était en Palestine, Mme Golda Meir, qui était alors à New-York, les futurs ministres sionistes d'Israël: Moshe Sharret (qui s'appelait alors Moshe Shertok), et Levi Eshkol qui en était le représentant à Berlin, approuvèrent cet accord (Ben Gourion et Shertok, dans L'accord de la Haavara. p. 294. Cité par Tom Segev (Le septième million p. 30 et 595).

Les deux parties y trouvaient leur avantage: pour les nazis: d'abord se débarrasser des juifs, ensuite obtenir un allié (sioniste) pour briser le boycott économique et l'antifascisme.

Dès le 26 mars 1933, Kurt Blumenfeld, président en Allemagne de la Fédération sioniste, et Julius Brodnitz, président de l'Association centrale, câblèrent à L'American Jewish Committee, à New York:

"Protestons catégoriquement contre rassemblements, émissions radio, et autres manifestations. Exigeons sans équivoque des mesures énergiques pour mettre fin aux manifestations hostiles à l'Allemagne.", (Saul Friedländer: L'Allemagne nazie et les juifs. Ed. Seuil 1997 p. 32)

Du côté du Yichouv (communauté juive en Palestine avant la création de l'Etat d'Israël) c'était une bonne affaire. Le dirigeant sioniste Moshe Belinson écrit à Bert Katznelson, directeur du principal quotidien de l'organisation: Davar (La parole):

"Les rues sont pavées de plus d'argent que nous n'en avons jamais rêvé dans l'histoire de notre entreprise sioniste. Voici une occasion de bâtir et de prospérer comme nous ne l'avons jamais fait et ne le ferons jamais." (Cité par Tom Segev: Le septième million p. 27)

Cette euphorie se fondait sur la compréhension des nazis. Hannah Arendt rappelle qu'"au départ la politique des nationaux-socialistes envers les juifs était indiscutablement pro sioniste." (Eichman à Jérusalem. p. 101.)

Cela durera pendant cinq ans de régime hitlérien, jusqu'en 1938.

Reinhardt Heydrich (le futur Protecteur sanglant de la Tchécoslovaquie), écrit, alors qu'il était chef des Services de Sécurité SS:

"Nous devons séparer les juifs en deux catégories: les sionistes et les partisans de l'assimilation. Les sionistes professent une conception strictement raciale, et, par l'émigration en Palestine, ils aident à bâtir leur propre Etat juif... nos bons voeux et notre bonne volonté officielle sont avec eux." (Hohne: Order of the death's head.p.133)

Une circulaire de la Wilhelmstrasse indique:

"les objectifs que s'est donnés cette catégorie (de Juifs qui s'opposent à l'assimilation et qui sont favorables à un regroupement de leurs coreligionnaires au sein d'un foyer national), au premier rang de laquelle se trouvent les sionistes, sont ceux qui s'écartent le moins des buts que poursuit en réalité la politique allemande à l'égard des Juifs". (Source: Lettre circulaire de Bülow-Schwante à toutes les missions diplomatiques du Reich, n· 83, 28 février 1934.)

"Il n'y a aucune raison, écrivait Bulow-Schwante au ministère de l'Intérieur, d'entraver, par des mesures administratives, l'activité sioniste en Allemagne, car le sionisme n'est pas en contradiction avec le programme du national socialisme dont l'objectif est de faire partir progressivement les juifs d'Allemagne." (Source: Lettre n· Z U 83-21. 28/8 du 13 avril 1935.)

Cette directive, confirmant des mesures antérieures, était appliquée à la lettre. En vertu de ce statut privilégié du sionisme dans l'Allemagne nazie, la Gestapo de Bavière, le 28 janvier 1935, adressait à la police cette circulaire:

"les membres de l'organisation sioniste, en raison de leur activité orientée vers l'émigration en Palestine, ne doivent pas être traités avec la même rigueur qui est nécessaire pour les membres des organisations juives allemandes (assimilationistes)". (Source: Kurt Grossmann, Sionistes et non-sionistes sous la loi nazie dans les années trente. Yearbook. Vol. VI, p. 310.)

Avant même la conclusion de l'accord Haavarah, cette coopération revêtit des formes curieuses. C'est ainsi qu'en 1933 le baron Leopold Von Mildenstein, qui deviendra quelques années plus tard, le chef de la section juive du SD (le Sicherheitsdienst, ou service de sécurité, service de renseignement SS dirigé par Reinhard Heydrich), fut invité à faire un voyage en Palestine avec sa femme pour écrire une série d'articles destinés à Der Angriff (L'Attaque) de Goebbels. Les époux Mildenstein, accompagnés par Kurt Tuchler, membre important de l'Organisation sioniste de Berlin, et sa femme, visitèrent les villages des colons juifs d'Eretz Israël. Des articles extrêmement positifs, intitulés: "Un nazi visite la Palestine", furent publiés comme prévu et un médaillon commémora l'événement, avec la svastika à l'avers et l'étoile de David au revers. (Source: Der Angriff 26 septembre 1934, cité par Tom Segev. Op. cit. p. 40-41)

Chaim Weizman aura beau déclarer la guerre à l'Allemagne le 5 septembre 1939 et se ranger du côté allié, l'idylle sioniste allemande se poursuivit jusqu'à la Nuit de cristal (1938).

Il ne protesta seulement que lorsque le banquier juif Max Warbourg proposa d'étendre les accords du type la Haavara pour financer l'émigration des juifs allemands dans d'autres pays que la Palestine. (Saul Friedländer l'Allemagne nazie et les juifs. Ed. Seuil 1997. p. 177)

Après la Nuit de cristal, du pogrom dont le prétexte était un attentat contre un diplomate allemand à Paris, la répression antijuive se durcit, la coopération des sionistes avec les hitlériens prit d'autres formes. Dans les pays occupés, par l'action des Judenrat (Conseils juifs contrôlés dans les ghettos et les camps de concentration par les nazis) et, dans le Yishouw de Palestine, par la sélection opérée par les sionistes, ne cherchant à tirer des griffes d'Hitler que les éléments riches ou compétents et abandonnant à leur sort les juifs âgés ou incapables de servir à la construction du futur Etat, considérés comme un matériel humain indésirable.

b Les Conseils juifs (judenrat)

Le problème du rôle des judenrat, (Conseils juifs) sous le règne d'Hitler a été soulevé avec éclat par Hannah Arendt dans son livre: Eichman à Jérusalem. Non seulement il ne fut pas traduit en hébreu1

, mais il souleva des réactions hystériques car ses critiques concernaient à la fois les judenrat et les sionistes qui en furent généralement les chefs.

Et pourtant son analyse est confirmée par Poliakov dans son livre: Bréviaire de la haine. Il écrit (p. 102):

"Beaucoup d'encre a déjà été versée à propos des Conseils juifs, ces instruments d'exécution des volontés allemandes à tous ses stades, isolation ou exterminations. Un opprobre indélébile semble s'attacher à ces organes de collaboration par excellence, dont les membres étaient des seigneurs dans le ghetto et bénéficiaient de prérogatives certaines; une comparaison avec les Quisling ou les Laval vient d'elle-même sous la plume."

Le rôle de ces Judenrat, sous le contrôle des nazis était considérable: d'abord il incombait à ces conseils juifs de fournir les bataillons de main d'oeuvre exigés par l'occupant. (Ibidem 103)

"Les Conseils faisaient les listes de déportés. Les juifs s'inscrivaient, remplissaient d'innombrables formulaires, des questionnaires de plusieurs pages concernant leurs biens, qu'on allait pouvoir saisir d'autant plus facilement."

Et voici le témoignage d'Hannah Arendt:

"Au procès d'Eichmann à Jérusalem, le juge Halevi découvrit, en procédant au contre interrogatoire d'Eichmann, que les nazis considéraient la coopération des juifs comme pierre angulaire de la politique juive... Partout où il y avait des juifs, il y avait des responsables juifs reconnus comme tels, et ces responsables, à de très rares exceptions près, collaborèrent, d'une façon ou d'une autre, pour une raison ou pour une autre. Toute la vérité, c'est que, si le peuple juif avait été vraiment désorganisé et sans chefs, le chaos aurait régné, et beaucoup de misère aussi, mais selon les calculs de Freudiger, cinquante pour cent des Juifs auraient pu se sauver s'ils n'avaient pas suivi les Instructions des Conseils juifs." (Hannah Arendt, op. cit. p. 205)

M. Poliakov dans son: Bréviaire de la haine en donne des exemples concrets:

"Parmi les ghettos importants, celui de Lodz, en Pologne annexée, mérite une mention particulière; deuxième ville de Pologne, Lodz était le principal centre industriel du pays. Son ghetto, constitué dès février 1940, comptait lors de son premier recensement plus de 160.000 habitants. C'était, après celui de Varsovie, de loin le ghetto le plus important. Ses fabrications de tout genre, et en particulier ses industries textiles, constituaient pour l'économie allemande un appoint de grande valeur.

De même que partout ailleurs, l'exécution des volontés allemandes au ghetto de Lodz se faisait par l'intermédiaire d'un Conseil juif. Son président, Chaim Rumkowski, au ghetto un dictateur omnipotent, tous les pouvoirs de haute et de basse justice se trouvaient concentrés entre ses mains: il levait impôt, frappait monnaie, et s'entourait d'une coterie de courtisans et de thuriféraires. Des poètes de cour rédigeaient des cantates à sa gloire; les enfants des écoles du ghetto lui adressaient des v_ux manuscrits de nouvelle année."

En France l'UGIF (Union générale des israélites de France) joua le rôle des Judenrat: elle écrit, pour le compte du Commissariat aux questions juives et des autorités allemandes, le fichier des juifs français et surtout étrangers et opère le tri, par exemple, entre les juifs français et étrangers, tenant déjà le langage discriminatoire de ceux que leurs successeurs appellent des néo-nazis.

Jacques Heilbronner, président du Consistoire, la représentation centrale des juifs de France, voyait les choses ainsi:

"La France, comme n'importe quel autre pays, déclara-t-il dès juin 1933, a ses chômeurs, et tous les réfugiés juifs d'Allemagne ne méritent pas de rester [...] S'il y a 100 à 150 intellectuels qu'il vaille la peine de garder en France, car ce sont des scientifiques ou des chimistes qui détiennent des secrets que nos propres chimistes ignorent, nous les garderons, mais les 7.000, 8.000, peut-être 10.000 juifs qui arriveront en France, est-il véritablement dans notre intérêt de les garder?"

Pour lui, les réfugiés juifs n'étaient que de la racaille, le rebut de la société, des éléments qui n'auraient pu être d'aucune utilité chez eux.

La défaite de la France n'atténua nullement l'hostilité de Heilbronner, toujours à la tête du Consistoire, à l'égard des juifs étrangers. (Friedländer. L'Allemagne nazie et les juifs. Seuil, 1997. p. 222)

Dans leur livre: Vichy et les juifs, Marrus et Paxton confirment: "Certaines personnalités juives en France exprimèrent leur hostilité à la présence parmi eux de juifs étrangers tenus pour responsables de l'agitation anti-allemande." (Note de la p. 407 de Segev).

C'est une habitude ancienne: le 19 novembre 1938, le Grand rabbin Weill déclarait au journal La Nation qu'il ne voulait prendre aucune initiative "qui pourrait entraver en quoi que ce soit les tentatives actuellement en cours de rapprochements franco-allemands."

Dans la préface au livre de Maurice Rajsfuss: Des juifs dans la collaboration, Vidal-Naquet écrit (p. 14):

"Dans l'ensemble, le doute n'est pas permis: les notables du judaïsme français sont entrés dans le jeu dangereux de la coopération avec l'ennemi, ils sont entrés dans une politique qui visait, suivant l'expression de Sartre, à sérialiser les juifs, à laisser s'opposer les uns aux autres "Français et étrangers", anciens combattants irréprochables et immigrés récents, Français de souche et naturalisés. Les notables ont fourni l'armature de l'U.G.I.F., quelles qu'aient été les intentions et le destin de ses fondateurs, elle a contribué... à alimenter la machine à tuer des juifs."

Et voici le témoignage d'Albert Akerberg, secrétaire général, sous l'Occupation, du Comité d'union et de défense des juifs de France:

"J'ai appris que les dirigeants de l'UGIF étaient passés devant un Jury d'Honneur présidé par Léon Meise, président du C.R.I.F. Ce jury était constitué par des gens qui avaient passé la guerre en Suisse, aux USA ou ailleurs, sans trop de risques. A cette occasion je devais écrire à Léon Meise pour protester contre cette façon de faire et lui dire que l'on aurait pu consulter au moins ceux qui avaient lutté sous l'Occupation et avaient également un point de vue à formuler. La réponse de Léon Meise était simple: il fallait, dit-il, savoir oublier les événements. On a absous les dirigeants de l'UGIF, mais on ne pouvait pas faire autrement pour les intérêts supérieurs de la communauté juive."

Cela est d'autant plus scandaleux qu'aujourd'hui la télévision nous passe plusieurs fois par mois des films sur les souffrances des juifs sous l'occupation mais jamais, par exemple, sur les juifs héroïques qui ont combattu le fascisme, les armes à la main et jusqu'à la mort, comme volontaires juifs des Brigades Internationales, qui constituaient un tiers de la Brigade américaine Lincoln, et la moitié de la brigade polonaise Dombrowski. Pourquoi ce silence?

Parce que les dirigeants de Londres, à la question posée à leur sujet: "Les juifs doivent-ils participer aux mouvements antifascistes?" répondaient: "Non!..." et fixaient l'objectif unique: la construction de la terre d'Israël. (Jewish life, avril 1938 p. 11)

Membre de l'exécutif de l'Agence juive, Ytzhak Gruenbaum déclarait le 18 janvier 1943:

"Le sionisme passe avant tout... Ils vont dire que je suis antisémite, répondit Gruenbaum, que je ne veux pas sauver l'Exil, que je n'ai pas "a warm yiddish heart" [...] Laissons-les dire ce qu'ils veulent. Je n'exigerai pas de l'Agence juive qu'elle alloue la somme de 300000 ni de 100000 livres sterling pour aider le judaïsme européen. Et je pense que quiconque exige de telles choses accomplit un acte antisioniste". (Source: Gruenhaum: Jours de destruction, p. 68.)

C'était aussi le point de vue de Ben Gourion:

"La tâche du sioniste n'est pas de sauver le "reste" d'Israël qui se trouve en Europe, mais de sauver la terre d'Israël pour le peuple juif." ou encore: "Le désastre qu'affronte le judaïsme européen n'est pas mon affaire." (Ben Gourion à l'assemblée des militants du Mapaï, le 8 décembre 1942; Cité par Yoav Gelba: "La politique sioniste et le sort des juifs européens", Yad Vachem, Etudes collectives n· 13. 1980 p. 147.)

Et, parlant des victimes du génocide: "Ils n'ont pas voulu nous écouter. Avec leurs morts ils ont saboté le rêve sioniste." 8 décembre 1942 (Ces deux textes cités par Tom Segev. op. cit. p. 122)

"Les dirigeants de l'Agence juive s'entendaient sur le fait que la minorité qui pourrait être sauvée devait être choisie en fonction des besoins du projet sioniste en Palestine." (Source: Ibidem p. 125)

Cette collaboration des sionistes avec Hitler dura jusqu'à la fin de la guerre: en avril 1944 Eichmann proposa au délégué sioniste Rudolf Käsztner d'échanger un million de juifs contre 10.000 camions qui seraient utilisés exclusivement sur le front russe. Ben Gourion et Moshe Sharett (Shertok) appuyèrent cette offre.

Käsztner était accusé également d'avoir témoigné en faveur de son partenaire nazi, Becher.

En outre il avait, en accord avec les dirigeants sionistes (dont plusieurs, étaient, au moment de son procès, ministres), négocié avec Eichmann la libération et l'émigration en Palestine de 1.684 juifs utiles pour la construction du futur Etat d'Israël, en échange de quoi, il ferait croire à 460.000 juifs hongrois qu'il s'agissait d'un simple transfert et non d'un envoi au camp de la mort d'Auschwitz. Le juge Halevi montra que tous ces crimes, il les avait commis avec l'accord de l'Agence juive et du Congrès juif mondial. Le juge est formel:

"il n'y eut ni vérité, ni bonne foi dans le témoignage de Käsztner... Käsztner s'est parjuré sciemment, dans son témoignage devant cette Cour, lorsqu'il a nié qu'il était intervenu en faveur de Becher. En outre, il a caché ce fait important: sa démarche en faveur de Becher était faite au nom de l'Agence juive et du Congrès juif mondial... il est clair que la recommandation de Käsztner ne fut pas faite en son nom personnel, mais aussi au nom de l'Agence juive et du Congrès juif mondial... et c'est pourquoi Becher fut relâché par les Alliés."

Après le jugement, l'opinion israélienne fut ébranlée. Dans le journal Haaretz le Dr Moshé Keren écrivait, le 14 juillet 1955: "Käsztner doit être inculpé de collaboration avec les nazis..." Mais le journal du soir Yediot Aharonoth (23 juin 1955) expliquait pourquoi il ne pouvait en être ainsi...: "Si Käsztner est mis en jugement, c'est le gouvernement tout entier qui risque un effondrement total devant la nation, par suite de ce que ce procès va découvrir."

Ce qui risquait d'être découvert c'est que Käsztner n'avait pas agi seul mais avec l'accord des autres dirigeants sionistes qui siégeaient, au moment du procès, dans le gouvernement. La seule façon d'éviter que Käsztner parle et que le scandale éclate, c'est que Käsztner disparaisse. Il mourut en effet opportunément, assassiné sur les marches du palais de justice et le gouvernement israélien introduisit un recours devant la Cour Suprême pour le réhabiliter. Ce qu'il obtint.



1

. Pas plus d'ailleurs que celui de Hilberg La destruction des juifs d'Europe, dont elle partage les analyses et qui réduit de 4 à 2 millions le nombre de juifs victimes de l'antisémitisme d'Hitler à Auschwitz.


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Ce texte est extrait du livre de Roger Garaudy intitulé Le Procès du sionisme. Il reproduit le système de défense de l'auteur dans son procès en appel à la suite de sa condamnation en janvier 1998 pour la publication d'un autre ouvrage, Les Mythes fondateurs de la politique israélienne, Paris, 1e éd., La Vieille Taupe, 1995, 2e éd., samizdat Roger Garaudy, 1996. Il est affiché entre la première et la deuxième séance de la 11e Chambre de la Cour d'appel de Paris. Il est édité par les éditions Vent du Large et sera prochainement en librairie (ISBN : 2-912341-20-5).

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